Conseil de l’Europe

Conseil des communes et régions d'Europe

 

Charte européenne de l’autonomie locale

Introduction

L’essor spectaculaire de la démocratie territoriale a été l’innovation majeure de la démocratie contemporaine au XXe siècle. La reconnaissance de la démocratie locale par les États membres du Conseil de l’Europe a conduit à l’élaboration de la Charte européenne de l’autonomie locale – le premier traité international contraignant qui garantit les droits des collectivités et de leurs élus. Ce texte, qui affirme le rôle des collectivités comme premier niveau où s’exerce la démocratie, est devenu un traité international de référence dans ce domaine.
La Charte européenne de l’autonomie locale a été élaborée au sein du Conseil de l’Europe par un comité d’experts gouvernementaux sous l’autorité du Comité directeur pour les questions régionales et municipales et sur la base d’un projet présenté par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE), prédécesseur du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Elle a été ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe en tant que convention le 15 octobre 1985 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1988. La totalité des 47 États membres du Conseil de l’Europe ont signé et ratifié la Charte.
La Charte prescrit l’ancrage de l’autonomie locale dans le droit interne ou dans la Constitution pour garantir sa mise en œuvre effective. Elle pose également les principes du fonctionnement démocratique des collectivités, et constitue le premier traité qui pose le principe du transfert des compétences aux collectivités locales, qui doit s’accompagner d’un transfert des ressources financières. Ce principe connu comme le principe de subsidiarité, permet la décentralisation du pouvoir au niveau le plus proche des citoyens.
La Charte stipule que les responsables élus des collectivités locales doivent bénéficier d’un statut assurant le libre exercice de leur mandat, et établit un nombre de garanties pour protéger les droits des collectivités locales. Les limites territoriales ne peuvent pas être changées sans accord de la collectivité locale concernée et le contrôle des activités des pouvoirs locaux doit être encadré par la loi, avec la possibilité d’un recours juridictionnel.
Les États s’engagent à respecter un noyau dur de principes fondamentaux pour lesquels aucune réserve n’est possible. Par exemple, le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques, ainsi que les droits principaux des collectivités à l’autonomie, aux élections des organes locaux, à des compétences, structures administratives et ressources financières propres, ou encore au recours juridictionnel en cas d’ingérence par d’autres niveaux. À travers ce mécanisme de « noyau dur », la Charte s’efforce de concilier la diversité des structures de collectivités locales dans les États membres du Conseil de l’Europe. L’objectif final reste cependant le respect de toutes les dispositions de la Charte.
Les pays qui ont ratifié la Charte sont liés par ses dispositions. La Charte impose le respect d’un minimum de droits qui constituent le premier socle européen de l’autonomie locale. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe veille au respect de ces principes.

 

Préambule

Les États membres du Conseil de l’Europe, signataires de la présente Charte,
Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun ;
Considérant qu’un des moyens par lesquels ce but sera réalisé est la conclusion d’accords dans le domaine administratif ;
Considérant que les collectivités locales sont l’un des principaux fondements de tout régime démocratique ;
Considérant que le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l’Europe ;
Convaincus que c’est au niveau local que ce droit peut être exercé le plus directement ;
Convaincus que l’existence de collectivités locales investies de responsabilités effectives permet une administration à la fois efficace et proche du citoyen ;
Conscients du fait que la défense et le renforcement de l’autonomie locale dans les différents pays d’Europe représentent une contribution importante à la construction d’une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la décentralisation du pouvoir ;
Affirmant que cela suppose l’existence de collectivités locales dotées d’organes de décision démocratiquement constitués et bénéficiant d’une large autonomie quant aux compétences, aux modalités d’exercice de ces dernières et aux moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission,
Sont convenus de ce qui suit :

Article premier
Les Parties s’engagent à se considérer comme liées par les articles suivants de la manière et dans la mesure prescrites par l’article 12 de cette Charte.

Partie I
Article 2 – Fondement constitutionnel et légal de l’autonomie locale
Le principe de l’autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.

Article 3 – Concept de l’autonomie locale
1. Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.
2. Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi.

Article 4 – Portée de l’autonomie locale
1. Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n’empêche pas l’attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi.
2. Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.
3. L’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie.
4. Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.
5. En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.
6. Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

Article 5 – Protection des limites territoriales des collectivités locales
Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.

Article 6 – Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales
1. Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles-mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.
2. Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence ; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.

Article 7 – Conditions de l’exercice des responsabilités au niveau local
1. Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.
2. Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l’exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.
3. Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d’élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.

Article 8 – Contrôle administratif des actes des collectivités locales
1. Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.
2. Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.
3. Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver.

Article 9 – Les ressources financières des collectivités locales
1. Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences.
2. Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.
3. Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.
4. Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences.
5. La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d’option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.
6. Les collectivités locales doivent être consultées, d’une manière appropriée, sur les modalités de l’attribution à celles-ci des ressources redistribuées.
7. Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L’octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.
8. Afin de financer leurs dépenses d’investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.

Article 10 – Le droit d’association des collectivités locales
1. Les collectivités locales ont le droit, dans l’exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s’associer avec d’autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d’intérêt commun.
2. Le droit des collectivités locales d’adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d’adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque État.
3. Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d’autres États.

Article 11 – Protection légale de l’autonomie locale
Les collectivités locales doivent disposer d’un droit de recours juridictionnel afin d’assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d’autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.

Partie II – Dispositions diverses
Article 12 – Engagements
1. Toute Partie s’engage à se considérer comme liée par vingt au moins des paragraphes de la partie I de la Charte dont au moins dix sont choisis parmi les paragraphes suivants :
– article 2,
– article 3, paragraphes 1 et 2,
– article 4, paragraphes 1, 2 et 4,
– article 5,– article 7, paragraphe 1,
– article 8, paragraphe 2,
– article 9, paragraphes 1, 2 et 3,
– article 10, paragraphe 1,
– article 11.
2.Chaque État contractant, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, notifie au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe les paragraphes choisis conformément à la disposition du paragraphe 1 du présent article.
3. Toute Partie peut, à tout moment ultérieur, notifier au Secrétaire Général qu’elle se considère comme liée par tout autre paragraphe de la présente Charte, qu’elle n’avait pas encore accepté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article. Ces engagements ultérieurs seront réputés partie intégrante de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation de la Partie faisant la notification et porteront les mêmes effets dès le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

Article 13 – Collectivités auxquelles s’applique la Charte
Les principes d’autonomie locale contenus dans la présente Charte s’appliquent à toutes les catégories de collectivités locales existant sur le territoire de la Partie. Toutefois, chaque Partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, désigner les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles elle entend limiter le champ d’application ou qu’elle entend exclure du champ d’application de la présente Charte. Elle peut également inclure d’autres catégories de collectivités locales ou régionales dans le champ d’application de la Charte par voie de notification ultérieure au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Article 14 – Communication d’informations
Chaque Partie transmet au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe toute information appropriée relative aux dispositions législatives et autres mesures qu’elle a prises dans le but de se conformer aux termes de la présente Charte.

Partie III
Article 15 – Signature, ratification, entrée en vigueur
1. La présente Charte est ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe. Elle sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
2. La présente Charte entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle quatre États membres du Conseil de l’Europe auront exprimé leur consentement à être liés par la Charte, conformément aux dispositions du paragraphe précédent.
3. Pour tout État membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Charte, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date du dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.

Article 16 – Clause territoriale
1. Tout État peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera la présente Charte.
2. Tout État peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, étendre l’application de la présente Charte à tout autre territoire désigné dans la déclaration. La Charte entrera en vigueur à l’égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.
3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de six mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.

Article 17 – Dénonciation
1. Aucune Partie ne peut dénoncer la présente Charte avant l’expiration d’une période de cinq ans après la date à laquelle la Charte est entrée en vigueur en ce qui la concerne. Un préavis de six mois sera notifié au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Cette dénonciation n’affecte pas la validité de la Charte à l’égard des autres Parties sous réserve que le nombre de celles-ci ne soit jamais inférieur à quatre.
2. Toute Partie peut, conformément aux dispositions énoncées dans le paragraphe précédent, dénoncer tout paragraphe de la partie I de la Charte qu’elle a accepté, sous réserve que le nombre et la catégorie des paragraphes auxquels cette Partie est tenue restent conformes aux dispositions de l’article 12, paragraphe 1. Toute Partie qui, à la suite de la dénonciation d’un paragraphe, ne se conforme plus aux dispositions de l’article 12, paragraphe 1, sera considérée comme ayant dénoncé également la Charte elle-même.

Article 18 – Notifications
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe notifie aux États membres du Conseil :
a. toute signature ;
b. le dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation ;
c. toute date d’entrée en vigueur de la présente Charte, conformément à son article 15 ;
d. toute notification reçue en application des dispositions de l’article 12, paragraphes 2 et 3 ;
e. toute notification reçue en application des dispositions de l’article 13 ;
f. tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Charte.
En foi de quoi, les soussignés (ensemble des 47 états membre du Conseil de l’Europe), dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Charte.
Fait à Strasbourg, le 15 octobre 1985, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l’Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des États membres du Conseil de l’Europe.